Historiquement “Les foyers des jeunes travailleurs (FJT), (…) ont été conçus pour répondre aux besoins d’accueil des jeunes travailleurs, dans le contexte de crise du logement et d’exode rural massif de l’après-guerre“(1). Par conséquent, les FJT sont nettement destinés à l’espace urbain. Urbanisation croissante et industrialisation d’après-guerre nécessitant un besoin de main d’oeuvre croissant, les FJT étaient une réponse.
Les auteurs de l’étude poursuivent “Les FJT visaient à assurer un lieu de transition entre deux étapes de vie pour les jeunes actifs, en portant, au-delà de la question du logement, une attention particulière à un ensemble de problématiques propres à la jeunesse : l’apprentissage de la lecture, l’accès à la culture, l’hygiène et la santé, etc“(2). Donc, au-delà de leur fonction à proprement parlé de logement, s’adjoignent des accompagnements sociaux et culturels pouvant toucher des problématiques très larges (santé, culture, citoyenneté, vivre ensemble…).
En substance, les FJT ont vocation à accompagner de façon multidimensionnelle la jeunesse en proposant des logements à faible coût, dans un contexte de pression croissante des loyers et de soutenir leur transition vers l’âge adulte en favorisant l’insertion professionnelle.
La ruralité au coeur de l’activité économique
Selon les statistiques données sur Le blog du dirigeant (3), la répartition générale des entreprises en France en 2024 souligne que les TPE-PME représentent plus de 99% du total des entreprises françaises. Elles représentent près de 55% du PIB et 60% de la main d’oeuvre employée.
Une analyse complémentaire de BPI France souligne que la proportion des créations d’entreprises en zone rurale augmente depuis 2020 et la crise COVID (voir graphique INSEE ci-dessous) (4).
Pour la Nouvelle-Aquitaine, 30% des créations de nouvelles entreprises en 2023 se font en zones rurales (du rurale éloignée au bourg).
Le constat démontre clairement que le rural participe nettement à la structuration de l’activité économique, notamment pour les TPE-PME/PMI. La ruralité n’est pas seulement l’espace de l’agricole mais un espace accueillant des PME/PMI dynamiques, innovantes et à la recherche de talents.
De l'intérêt d’avoir des structures d’accueil des jeunes travailleurs en zone rurale ?
Spécialisé dans le développement économique en zone rurale, notre cabinet est quotidiennement confronté aux difficultés de recrutement des entreprises rurales. Nous pourrions même aller jusqu’à dire que nous sommes aux premières loges pour rendre compte des contraintes que nous rencontrons pour attirer des talents. Nous laisserons volontairement de côté dans cette partie la question du recrutement classique et nous ne nous intéresserons qu’à la question du recrutement par alternance (voir article précédent). Seront donc évoqués dans cette partie le cas des contrats d’alternance (apprentissage ou professionnalisation).
Deux exemples concrets
Dans notre premier cas, l’entreprise est une boulangerie artisanale, installée en zone rurale à plus de 20km d’un centre urbain mais avec un centre-bourg comprenant commerces de proximité et services publics, ce que l’INSEE définit comme “rural-bourg“(4). Le chef d’entreprise (boulanger de métier) souhaite accueillir un apprenti. A quelles contraintes l’entreprise et le futur apprenti sont-ils confrontés ?
- Le Centre de Formation d’Apprentis (CFA) de rattachement est à 70 km de la boulangerie. Nous pouvons considérer que le CFA répond en partie à cette contrainte en assurant des logements à moindre coût pour ses apprentis durant les semaines où ils sont au centre (soit 1 semaine sur 4). Cela n’ôte pas la contrainte de se rendre au CFA mais la soulage.
- Pendant 3 semaines sur 4, l’apprenti doit être à la boulangerie pour assurer sa formation à raison de 35h par semaine. Le secteur d’activité de son apprentissage nécessite une embauche à 6 heures du matin. C’est là que les problèmes vont commencer à se multiplier.
Il n’est pas très ardu de voir apparaitre les contraintes : problème de mobilité pour les jeunes de 15 à 18 ans (voire plus âgés), problème de logement une fois sur place.
Du point de vue du recruteur, le problème n’est aucunement que la recherche d’un apprenti boulanger soit une tâche compliquée comme pour un métier en tension, le problème réside dans l‘accumulation de contraintes. Pour faire simple, le poste n’a un pouvoir d’attraction que sur une minorité de jeunes : ceux habitant le “rural-bourg“ ou les communes dans un rayon de 5 à 10 km maximum. En effet, le jeune intéressé d’une zone au-delà se voit dans la quasi impossibilité à se rendre sur son lieu de travail car il n’a pas de mobilité (transport en commun inexistant ou hors heures de travail-transport personnel en 2 roues dangereux-transport par les parents dépendant des horaires de travail des parents eux-mêmes) et aucune possibilité pour se loger sur place.
Notre deuxième cas est également un cas d’école, que nous rencontrons régulièrement. Prenons une PME dynamique, installée dans les mêmes conditions géographiques que la précédente mais dans un domaine d’activité qui serait la menuiserie. L’entreprise souhaite recruter un apprenti menuisier. Conditions différentes mais même question : A quelles contraintes l’entreprise et le futur apprenti sont-ils confrontés ?
- Admettons que le CFA est plus proche que dans l’exemple précédent et ne nécessite pas d’avoir à se loger sur place. Donc un seul logement pour les deux missions (CFA et entreprise). On pourrait se dire PARFAIT, on réduit les contraintes. C’est sans compter le fait que le secteur de la menuiserie n’est pas celui qui attire le plus de jeunes, et le CFA formateur le plus proche n’est pas en mesure de proposer à l’entreprise un candidat.
- Les conditions du poste dans l’entreprise restent sensiblement les mêmes que dans l’exemple précédent, à la différence que l’heure d’embauche se situe davantage entre 8h et 9h.
Là encore, les contraintes ne sont pas difficiles à énumérer : manque de candidats car métier en tension, problème à trouver un logement.
Du point de vue du recruteur, la situation est telle qu’il y a nécessité à étendre à la fois le périmètre géographique de recherche de candidats et le type de candidats recherchés (par exemple ouvrir à des profils en reconversion professionnelle) car le métier est en tension. Cependant, en ouvrant ce périmètre, il n’y a pas de possibilité pour le candidat de pouvoir se loger sur place pour 2 raisons principales. Le salaire d’un apprenti varie de 27% du SMIC à 100% du SMIC selon l’âge. Et un contrat d’alternance est un CDD donc beaucoup de propriétaires privés refusent de louer pour ce genre de profil.
Que changerait une structure d’accueil sur du “rural-bourg“ ?
Avoir des structures d’accueil des jeunes travailleurs sur des zones géographiques de type “rural-bourg“ permettrait à la fois de répondre de façon multidimensionnelle aux besoins de la jeunesse (idée de départ des foyers de jeunes travailleurs) mais permettrait également de répondre aux besoins en apprentissage des PME-PMI installées en zone rurale. La solution sur papier est bien évidemment plus simple à décrire que la réalité à mettre en place. Pour autant, le rôle de notre cabinet est d’accompagner les zones rurales dans le développement économique. La réflexion sur la création de ce type de structures est nécessaire car cela permettrait d’apporter à la fois une réponse humaine et économique aux besoins que nous avons pu détecter.
Notes
Alberghini, A., Baronnet, J., Best, A., Brunet, F., Avec la collaboration de Devillard, T. (2017) . Étude qualitative sur l’accompagnement socio-éducatif effectué dans les Foyers de Jeunes Travailleurs (FJT) Recherche sociale, N° 223(3), 4-130. https://doi.org/10.3917/recsoc.223.0004.
Disponible en ligne https://shs.cairn.info/revue-recherche-sociale-2017-3-page-4?lang=fr&tab=texte-integral
Idem
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