Après la fin de l'aide à l'embauche pour les contrats de professionnalisation le 30 avril 2024, le nouveau gouvernement envisage désormais la suppression de l'aide à l'embauche pour les contrats d'alternance. Que penser de cette possible mesure ?
POUR RAPPEL : Les contrats de professionnalisation et d'apprentissage sont dans les deux cas des contrats d'alternance, qui permettent aux candidats d'apprendre un métier en ”alternant” formation théorique et formation en entreprise.

Afin d'inciter les entreprises à recruter des alternants, les pouvoirs publics avaient décidé de mettre en place des aides, variables en fonction des situations, allant souvent de 2000 à 8000 euros. D'un point de vue du recrutement, ces aides étaient des leviers non négligeables pour permettre aux petites entreprises de passer le pas. Quelles sont les possibles conséquences de la suppression de ces aides ?
Dans le cadre de l'activité de notre cabinet de recrutement installé en zone rurale, l'alternance est souvent une réponse au manque de candidats formés pour certains postes.
Par expérience, les contrats de professionnalisation que nous avons mis en place répondaient souvent à des reconversions professionnelles. Ainsi, la suppression des aides pour les contrats de professionnalisation va très certainement toucher ce type de candidats. L'aide à l'embauche ayant disparu, les entreprises semblent en effet plus frileuses pour engager des candidats en reconversion.
Pour les contrats d'apprentissage, la situation est quelque peu différente. Pour beaucoup de contrats, l'âge des alternants étant plus jeune, les salaires non chargés établis sur un pourcentage du SMIC, les entreprises, notamment les PME-PMI, ne fermeront certainement pas les vannes de l'apprentissage car l'aide à l'embauche disparait. Pour autant, difficile d'envisager cette mesure comme populaire auprès des structures professionnelles.
L'aide a l'embauche était-elle une vraie réponse au problème de la formation par alternance, notamment pour les métiers dits “manuels“ ?
En tant que professionnel du recrutement, nous ne pouvons nier le fait que la suppression de cette aide ne sera pas une mesure incitative pour les entreprises afin d'accueillir un alternant. Pour autant, l'erreur est de penser que le problème se résume à cette aide. En effet, une PME-PMI qui souhaite accueillir un alternant ne le fait pas pour obtenir une aide de 6000 euros, elle le fait car elle a un besoin, souvent immédiat et souhaite investir pour l'avenir. Or, le problème est clairement le vivier des alternants disponibles. Les CFA se vident et certaines formations disparaissent faute de jeunes candidats.
Repenser l'alternance
Favoriser l'alternance en prenant le projet à bras-le-corps, c'est sensibiliser aux métiers de l'apprentissage dès le plus jeune âge. Or, beaucoup d'établissements scolaires restent fermés à l'idée d'accueillir des professionnels privés au sein des collèges, afin de présenter des branches d'apprentissage. Pourtant, beaucoup de professionnels sont prêts à donner de leur temps pour présenter leur métier.
C'est également favoriser la mobilité des jeunes afin qu'ils puissent réaliser leur alternance dans de bonnes conditions. Les entreprises rurales avec lesquelles nous travaillons ne peuvent parfois pas accueillir d'alternants car les jeunes ne peuvent pas avoir accès à des transports publics pour effectuer 15 kilomètres, donc ne peuvent pas se rendre au sein d'entreprises prêtes à les accueillir.
Enfin c'est favoriser l'accueil des alternants. Notre cabinet milite pour la création de foyers des jeunes travailleurs dans nos campagnes.
Au final, fermer les vannes des aides à l'embauche des apprentis afin de redistribuer ces fonds vers de véritables mesures d'accompagnement et de valorisation de l'apprentissage, nous y sommes plus que favorables. En revanche, supprimer ces aides pour faire des économies immédiates sans perspective d'avenir ne fera qu'éloigner encore plus les jeunes de l'apprentissage et vider les centres de formation. A terme, ce sont des savoir-faire qui disparaissent.
Comments